Les premiers découvreurs et premiers habitants
Alors que la Nouvelle-Guinée est peuplée depuis au moins 50000 ans et les îles Solomons depuis 35000 ans, le peuplement de la Nouvelle-Calédonie est beaucoup plus récent. Les migrations autronésiennes qui ont commencé d'atteindre la Nouvelle-Guinée il y a environ 3500 ans, sont attestées en Nouvelle-Calédonie par les sites de poteries Lapita situés le long des côtes. Plus tard et jusqu'au XIX siècle, sur les côtes et dans les îles (Loyauté, Kunié), des colonies de navigateurs austronésiens venus de Fidli, Wallis et de la Polynésie occidentale (Tonga, Samoa) se sont régulièrement installées.
Mais l'occupation de l'archipel vient de peuples de type mélanésien physiquement similaires aux peuples de la Nouvelle Guinée (Papous), des Salomons et du Vanuatu. .Le fait que les langues de Nouvelle-Calédonie soient austronésiennes n'exclut pas un peuplement d'origine génétique différente. Dans l'archipel des Salomons l'apport austronésien ne représente que 15% du patrimoine génétique alors que les langues sont austronésiennes. Elles résultent d'échanges et de métissages des peuples autochtones Mélanésiens avec des visiteurs et des colonies côtières Austronésiens de culture dite Lapita. Seuls dans tout l'arc mélanésien les peuples Papous des Highlands de la Nouvelle-Guinée sont restés à l'abri de ces incursions et de leurs influences linguistiques. Notons aussi que les autochtones de la région de Balade (Côte Est dans le Nord de la Grande Terre) ne connaissaient pas les porcs et les chiens que leur amena le capitaine Cook alors que ces animaux domestiques font partie du baggage culturel Austronésien.
La date du peuplement de la Nouvelle-Calédonie par ces peuples Mélanésiens n'est pas attestée. Soit il s'est fait par des migrations postérieures aux colonisations Lapita débutées il y a 3500 ans dans l'Océanie proche (Nouvelle-Guinée, Bismarck, Salomon) après avoir acquis les technologies Austronésiennes de navigation (pirogues à balanciers ), soit antérieurement à ces migrations ce qui semble beaucoup plus improbable car cela témoignerait de capacités de franchissement océanique de 300 kilomètres, supérieures à ce qui est admis avant l'apport technologique Austronésien.
Selon des études récentes (2018) de paleogénomique (*), les peuples Mélanésiens du Vanuatu ont une composante génétique majoritairement Papoue (80-90%) et proviendraient d'une seconde migration venant de l'archipel Bismarck il y a environ 2700 ans, par des peuples Papous métissés avec des Austronésiens Lapita. Compte tenu de la situation géographique de la Nouvelle-Calédonie à 250 km de l'île la plus proche du Vanuatu, il est possible que les peuples Mélanésiens de Nouvelle-Calédonie proviendraient également de cette seconde vague migratoire.
Les sites ayant fait l'objet de fouilles sur la Grande terre témoignent d'une occupation typiquement Austronésienne (sites à poterie Lapita), mais ils sont exclusivement sur les côtes et pourraient ne correspondre qu'à des colonies limitées à certains secteurs du littoral, comme c'est le cas en Nouvelle Guinée et aux Salomons. Les sites d'occupation typiquement mélanésienne dans l'intérieur montagneux (successions de vestiges de tertres de cases le long des crêtes) n'ont pas fait l'objet de fouilles notables, ni de datations.
Les découvreurs européens
La carte d'origine (N à droite) montre l'itinéraire de Cook le long de la côte Est.
C'est au Capitaine James Cook, le 7 septembre 1774, que revient la découverte de la Nouvelle-Calédonie (Grande Terre) par les Européens.
Il fit cette découverte au cours de son second voyage alors qu'il venait de l'archipel appelé alors Grandes Cyclades et qu'il avait rebaptisé New Hebrides (aujourd'hui le Vanuatu) et retournait vers la Nouvelle-Zélande. Le premier à bord qui aperçu la Grande Terre fut l'aspirant Colnett le 4 septembre. Cook la nomma "New Caledonia" et donna le nom de Colnett au grand cap qui leur masquait le prolongement de l'île plus au SE. Il débarqua à Balade sur la côte Est au nord de l'île. Il fut reçu amicalement par les habitants Mélanésiens qu'il trouva en outre remarquablement respectueux de la propriété d'autrui, ce qui constituait une exception à son expérience des autres peuples du Pacifique.
Cook admira leur savoir faire horticole et décrivit notamment les cultures irriguées de taros. Bien que sa visite fut brève (7 jours), remarquable observateur et bon connaisseur de l'agriculture il comprit que les Mélanésiens (Kanaks) pratiquaient une mise au repos des terres cultivées, une nécessité agricole que bien plus tard l'Administration Coloniale manifestement peu compétente en agriculture ne comprit pas car elle cantonna les Kanaks dans des réserves trop petites pour la permettre. Cook décrivit en détail leur habillement (étuis péniens des hommes, jupettes en fibre des femmes), leurs ornements, leurs cases, leur nourriture, leurs armes et leurs pirogues doubles à voile. Il nota que les habitants ne connaissaient ni les cochons, ni les chiens et n'avaient aucun vocabulaire pour les désigner. Il fit don d'un couple de chiens au chef de la région Tea Booma et d'un couple de cochons à un autre. Une petite expédition de son équipage reconnut aussi l'île Balabio où elle fut bien reçue par le chef local Tea Bi. Guidé par deux indigènes, Cook monta par un sentier jusque sur un sommet de la dorsale séparant la Côte Est de la vallée du Diahot où, semble-t-il, habitait Tea Booma. De cette position il découvrit au loin la côte Ouest qu'il évalua être à une cinquantaine de km (elle est à 40 km). Il admira la vallée du fleuve Diahot qu'il voyait bordé d'habitations et de cultures. Il observa que la superficie des terres de vallées fertiles était faible par rapport aux collines et montagnes de forêt et savanne. Il en déduisit que la population de la grande terre devait être peu importante.
Il longea ensuite la côte Est en cartographiant celle-ci jusqu'au sud et à Kunié qu'il nomma île des Pins. Bien qu'il n'ait pas longé la côte Ouest, sa carte suggère celle-ci remarquablement proche de sa position réelle. L'extrait de la carte de Cook dans le sud montre le parcours délicat autour de Kunie au milieu des récifs et l'atterrissage sur l'îlot qu'il nomma Botany (il semble que ce soit l'îlot Amere).
C'est à d'Entrecasteaux, alors à la recherche de Lapérouse, que l'on doit la première reconnaissance de la côte Ouest en 1792. Il arriva à l'Ile des Pins le 16 juin. Il longea ensuite la côte et fit plusieurs tentatives infructueuses pour entrer dans le lagon et aller à terre. Il finit par abandonner par souci de sécurité. Néanmoins la côte fut observée de la mer et cartographiée avec une précision remarquable par Beautemps-Beaupré. d'Entrecasteaux découvrit, au nord de la Grande Terre, les îles Surprise et Huon et l'atoll Beautemps-Beaupré.
Le voyage de Lapérouse
Parti de France en août 1785 pour explorer entre autres la Nouvelle-Calédonie, le comte de Lapérouse, avec ses deux navires La Boussole et l'Astrolabe, fit naufrage et disparut en 1788 à Vanikoro (Iles Santa Cruz, entre le Vanuatu et les Salomons).
Il a toujours été supposé que Lapérouse venait de Nouvelle-Calédonie lorsqu'il fit naufrage, car c'était son itinéraire logique. Mais aucun écrit ne le prouve et les livres de bord ont évidemment disparus avec le naufrage.
Le mystère reste donc quoique plusieurs indices tendent à prouver son passage en Nouvelle-Calédonie.
Les Iles Loyauté furent découvertes seulement en 1793 par Raven capitaine d'un navire marchand anglais venant de Sydney. Cook les avait manquées de peu passant au nord de cet archipel dans sa traversée entre l'île Espiritu Santo (Vanuatu ex. Nouvelles-Hébrides) et la Nouvelle-Calédonie.
La cartographie et l'hydrographie des îles Loyauté ne fut faite qu'en 1827 et 1840 par Dumont d'Urville.
Le premier à pénétrer dans le lagon de la côte Ouest fut le capitaine Kent. Il découvrit et nomma la Baie St. Vincent. D'après ses récits, il eut d'excellents contacts avec la population.
Baleiniers et santaliers
C'est vers 1793 que les chasseurs de baleines Américains commencent à toucher la Nouvelle-Calédonie pour leur hivernage. L'époque des marins "santaliers" débute en 1841. Leur commerce deviendra très intense en1846. Il s'achève après la prise de possession en 1853.
Le
santal est un petit arbre. Son bois contient une essence qui fut, et est encore, la base de parfums. Il fut intensément recherché et exploité dans toute l'Océanie.
Les "santaliers" sont à l'origine d'une grande mutation technologique chez les autochtones. En échange du bois précieux, ils apportèrent, des outils et armes d'acier, des étoffes et des objets de verre.
Les missionnaires
Les catéchistes de la London Missionary Society débarquèrent en 1841 à l'île des Pins (Kunié) et en 1842 à Touaourou (Sud Grande Terre). Ils en furent chassés en 1842. La LMS s'installa aux îles Loyauté en 1841.Les missionnaires catholiques de la Société de Marie conduits par Monseigneur Douarre s'installèrent à Balade en 1843. Ils durent quitter cette implantation en 1847. Ils y revinrent en 1851. Les maristes s'implantèrent, avec succès cette fois, à Kunié en 1848. l'Ile des Pins servit de base à l'évangélisation de la Grande Terre.
Le chef de Kunié initialement intéressé par l'implantation de la mission fut ensuite hostile à la nouvelle religion à laquelle il attribua notamment une épidémie. Les catéchistes furent massacrés.
A Touaourou au sud de la Grande Terre les catéchistes s'enfuirent avant le massacre et la consommation des convertis. Un frère mariste fut tué lors des affrontements qui chassèrent les missionnaires de Balade.
Les graves problèmes des premiers missionnaires s'expliquent par le manque de connaissances sur ces peuples et notamment l'incompréhension
de leurs langues et de leurs coutumes. Des disettes, des épidémies et des guerres ont souvent été les facteurs déclenchant. Seule l'implantation aux îles Loyauté fut un succès immédiat.
Prise de possession
Napoléon III donna instruction à plusieurs navires de guerre français de prendre possession de la Nouvelle-Calédonie, à la condition qu'elle ne fut pas d'ores et déjà annexée par les Anglais.
Le premier arrivé fut l'amiral Febvrier Despointes qui prit possession de la Grande Terre à Balade le 24 septembre 1853.
Mission catastrophe: avant la prise de possession la corvette L'Alcmène fut envoyée en mission exploratoire par le gouvernement français en 1850. L'objectif était d'étudier la possibilité d'une colonisation et de l'installation d'un bagne. La mission se termina tragiquement dans le nord de la Grande Terre, à Yenghebane. Plusieurs officiers et hommes d'équipage furent massacrés et consommés.