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La révolte de 1917

Les causes de cette révolte sont à chercher dans les nombreux griefs que les mélanésiens avaient à l'égard du colonisateur qui non seulement leur avait arraché beaucoup de leurs terres mais aussi les humiliait avec des corvées, la résidence obligatoire et les destructions dues au bétail. Il s'y ajoutait une pression "maladroite" (J. Guiart) assortie de menaces pour susciter des engagements sur le front de la première guerre mondiale. Il semblait aussi que la mobilisation des blancs dans cette guerre offrait une occasion de vengeance. Au fond, le cantonnement et le sentiment qu'il véhiculait de "naufrage irrémédiable d'une civilisation" (A.Saussol) restait à la base de la révolte.

De 1913 à 1917 un complot se développe avec tractations occultes, échanges de monnaie noire et de bouquets de guerre. Il a pour foyers les tribus de de la chaîne entre Koné et la Tipindjé (Atéou, Néami, Netchaot, Tiamou, Paoloap, Ouaté) qui avaient une tradition d'insoumission.

L'affaire débuta avec un Pilou manqué, organisé à l'instigation de l'administration qui savait que quelque chose se préparait dans les montagnes et qui voulait désamorcer une querelle qui s'envénimait entre les clans animistes d'Atéou et de Tiamou et les catholiques du Koniambo. L'administration choisit Tiamou comme lieu du pilou. Le chef de Tiamou, Noël Néa Ma Pwatiba avait accepté de l'organiser, mais se ravisa le jour de la cérémonie et mit le feu à sa case. Réfugié sur une hauteur il défia alors par ses harangues les représentants de l'administration. Il s'ensuivit une confusion. Les menottes furent mises aux danseurs envoyés par Noël et du coup celui-ci attaqua la troupe européenne avec les siens. Il en résulta deux blessés européens. Cet incident, camouflet pour l'administration, accrédita le mythe d'une révolte générale et contribua au développement d'une psychose qui contribua à l'engrenage des hostilités. En mai 1917, deux manoeuvres mélanésiens furent pris pour des rebelles dans le campement minier du Kopéto. Il s'ensuivit une fusillade. A la suite de cet incident les premiers coups de main se développèrent dans la région de Koné et Pouembout. Puis le 23 mai le campement minier du Kopéto fut attaqué par 80 guerriers. L'assaut fut repoussé. Ensuite les opérations des rebelles passèrent sur la côte Est mais de façon décousue. Plusieurs stations furent attaquées de façon sporadique, notamment le 16 juin la famille Grassin et le colon Papin qui furent massacrés.

Initialement l'admistration réagit sans beaucoup de succès par des colonnes mal renseignées qui n'arrivèrent pas à piéger les guerriers insaisissables. On se décida alors à utiliser des auxiliaires indigènes. Ceux-ci réussirent là où les colonnes n'avaient guère d'efficacité et l'affaire était terminée dès la fin de 1917. Le nombre de rebelles ne semble pas avoir excédé 80 guerriers et les victimes européennes seraient de 8 à 16 personnes.

Dans cette affaire on a retenu la figure de Noël qui se voulait l'âme de la révolte mais qui semble n'avoir été que le comparse de Cavéat (ou Caféat) chef de Ouen-Kout et véritable meneur de ces évènements.

Un procès eut lieu à Nouméa du 7 juillet au 19 septembre 1919. Il fut marqué par un coup de théatre, car on y découvrit l'implication du grand chef de Hienghène, Bouarate, le véritable lanceur du message de guerre et qui avait pris soin de faire éclater la révolte loin de chez lui. Sa ruse ainsi découverte il se pendit. Sur 75 prévenus cinq furent condamnés à mort, 45 aux travaux forcés, 5 à la réclusion criminelle et 8 furent acquittés (il en manque douze donc dans ce compte).

Cette révolte fut la dernière d'importance avant les "évènements" de 1984.

Source : A.Saussol, l'Héritage, Essai sur le problème foncier mélanésien ne Nouvelle-Calédonie, Société des Océanistes, N°40, Musée de l'homme, 1979.